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Les églises modernes

L'architecture sacrée moderne (re)valorisée

 

Le 15 février 2016, Hélène David alors ministre de la Culture et des Communications du Québec, annonçait que les édifices cultuels modernes de qualité incontournable érigés entre 1945 à 1975 allaient être admissibles à l'aide financière pour la restauration. Ce n'était pas le cas auparavant. Pour le moment, 40 édifices sont concernés par cette ouverture. L'avenir nous dira si l'élargissement du corpus pourra être envisagé dans le futur, au-delà des édifices classés A.

 

Dans le contexte actuel où de nombreux lieux de cultes sont désertés, fermés, reconvertis ou démolis, cette nouvelle est bien venue. D'une part, les églises modernes représentent une proportion importante de notre patrimoine bâti religieux à l'échelle provinciale. D'autre part, ces édifices nés du renouveau liturgique pâtissent d'une méconnaissance qui entraîne indifférence et mépris envers leur conservation. Selon l'évaluation du Conseil du Patrimoine Religieux du Québec (2013), 1070 édifices cultuels ont été construits après 1945, soit 38% du patrimoine religieux provincial. Par ailleurs, nombre de ces réalisations occupent une place incontournable dans notre histoire de l'architecture moderne.

 

À l'échelle occidentale, la révolution formelle des églises modernes est née de deux contextes parallèles qui sont d'une part, le renouveau liturgique et de l'autre, l'essor du mouvement moderne en architecture. Au Québec, cette modernité formelle s'est d'abord manifestée timidement, muée par un rejet du pastiche et de l'historicisme au profit d'une expression rationnelle de la structure et des matériaux. Dans les années 1960, sous l'autorité du cardinal Mgr Léger, la production d'architecture ecclésiastique a emboîté le pas au reste de l'occident alors en phase avec le mouvement moderne, et s'est imposée par la qualité et le nombre de ses réalisations.

 

Pendant l'âge d'or du renouveau liturgique, l'église a représenté une commande de choix pour les architectes et un laboratoire formel remarquable. En effet, nulle part ailleurs trouve-t-on un programme où la forme et la matière doivent se mettre au service de l'expression de la nouvelle liturgie et du caractère sacré : rassembleur, accessible, dépouillé et sacralisant. Architectes et artistes y sont arrivés en créant des espaces ouverts, mais intimes, des intérieurs dépouillés enrichis par la plasticité des matériaux, la présence d'œuvres d'art sacré, ainsi qu'une mise en lumière habile et sophistiquée. Ces intérieurs, véritables cœurs des édifices se transposaient dans la forme extérieure de l'édifice - parfois jusqu'à la pointe du clocher - pour devenir un signal architectural dans les quartiers où elles ont été érigées.

 


Connaissance, compréhension et sensibilisation

Les édifices cultuels modernes ont jadis été des pôles religieux, sociaux et culturels des plus significatifs pour les fidèles qui les ont fréquentés. Par conséquent, le sentiment d'attachement, voire d'appropriation envers ces lieux n'est peut-être pas en question. Mais qu'en est-il de leur appréciation architecturale? Sur le plan de la conservation ou du simple entretien, la méconnaissance technique et matérielle de ces édifices souvent singuliers, représente aussi une lacune à combler. Est-il permis de penser que des œuvres remarquables comme ND de Fatima ou à St-Gérard de Majella - qui ont récemment fait l'actualité et dont le dénouement immobilier est hautement critiquable - auraient subi un sort différent si elles avaient fait l'objet d'une reconnaissance populaire et politique à la hauteur de leurs valeurs?

Enfin, le contexte actuel semble favorable pour adopter rapidement une attitude préventive qui soit axée sur la redécouverte et la sensibilisation envers notre patrimoine religieux moderne.

 

 

Marie-Dina Salvione

Ph.D. Architecture et sciences de la ville 

École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) Suisse

Chargée de cours, DESS architecture moderne et patrimoine, École de design, UQAM

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