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L'église Saint-Gaétan

Située à Montréal dans l'arrondissement Ahuntsic-Cartierville, la première Église évangélique de Montréal impose sa volumétrie singulière dans un quartier où se côtoient les maisons unifamiliales et les immeubles en duplex. Vue dans l'axe de son campanile filiforme, l'église présente un volume symétrique et bas aux ailes déployées qui rappelle aussi la coiffe d'une religieuse.

 

En 1965, le projet de l'église fut élaboré en étroite collaboration avec les paroissiens. Les fidèles souhaitaient un édifice qui puisse répondre à leurs besoins liturgiques et socioculturels : un lieu de culte au rez-de-chaussée et des espaces communautaires pourvus d'accès indépendants au sous-sol. Cette nouvelle église devait être incarnée par un édifice singulier aux formes innovantes, en phase avec la tendance architecturale contemporaine. Suivant ces exigences, la proposition formelle de l'architecte Louis J. Lapierre fut retenue parmi les dix agences qui avaient répondu à l'invitation des paroissiens.

 

Une Å“uvre d'art et d'architecture

Le caractère sculptural de l'église Saint-Gaétan témoigne à plusieurs égards de la collaboration entre l’architecte Lapierre et l'artiste Yves Trudeau, notamment pour la forme des culées qui portent la toiture. Des croquis du sculpteur ont par ailleurs révélé qu'il aurait participé à la recherche formelle de la toiture dans une version préliminaire du projet qui ne fut pas réalisée.

 

Les propriétés plastiques du béton armé et de son coffrage ont ici permis la mise en œuvre d'éléments caractéristiques de l'église : les culées et le toit. Ce voile de béton se modèle pour servir d'autres usages tels que celui de la marquise, du lanterneau et des gargouilles. Les lignes dynamiques du toit et des culées confèrent à l'édifice son expressivité, par opposition à son volume principal d'apparence orthogonale et opaque. L'impression de légèreté est par ailleurs accentuée par la dénivellation du terrain qui pourvoit un accès indépendant aux espaces communautaires situés en sous-sol. Ce vide est chevauché par des passerelles d'accès secondaires qui semblent arrimer le volume de l'église au sol. Enfin, toujours en contraste, la plasticité minérale de l'extérieur ne laisse pas deviner l'atmosphère ouverte, transparente et lumineuse qui règne à l'intérieur de l'église.

 

L'usage du paraboloïde hyperbolique fut combiné aux éléments porteurs situés à l'extérieur du bâtiment. Ce choix structurel engendre un espace intérieur ample et dégagé qui abrite le programme liturgique. Le dépouillement de cet espace est appuyé par la lumière du jour qui provient de plusieurs sources. Dans l'axe principal, les murs vitrés du narthex et du sanctuaire offrent une transparence visuelle. Sur toute la circonférence de l'église, un bandeau de fenêtres détache la toiture des murs, créant un effet de légèreté appuyé par la l'éclairage naturel. Au centre de la voûte, une pointe contrastante est définie par le lanterneau et guide le regard vers le sanctuaire. Enfin, la nuée de lampes crée une trame homogène qui rappelle la voûte céleste.

 

La rédemption, la perte et la reconnaissance

L'église possédait quatre éléments de mobilier liturgique conçus et réalisés par le sculpteur Yves Trudeau : le maître-autel, l'autel de la Sainte-Réserve, les fonts baptismaux et le Corpus Cristi. En 2003, la reconversion de l'église a entraîné la disparition des œuvres; seule la fontaine baptismale demeure. Le Corpus Cristi fut quant à lui déplacé dans le presbytère de l'église Notre-Dame-des-Anges, située dans le même arrondissement.

 

L'édifice de la première église évangélique arménienne représente un des derniers exemples de la tendance des «églises blanches» au Québec. D'un point de vue technique et formel, elle fait référence à certaines réalisations de l'ingénieur Felix Candela, ainsi qu'à la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (Le Corbusier, 1950-1955). Pour l'ensemble de ses qualités, l'édifice s bénéficié d'une bonne réception tant dans les revues spécialisées que dans les ouvrages monographiques sur l'architecture moderne au Québec. Elle figure enfin dans l'inventaire des lieux de cultes du Québec, identifiée comme un bâtiment incontournable (A) par le Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ).

 

 

Marie-Dina Salvione

Ph.D. Architecture et sciences de la ville 

École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) Suisse

Chargée de cours, DESS architecture moderne et patrimoine, École de design, UQAM

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